Un peu d’histoire …..
Il n’est évidemment pas possible dans le cadre ce guide de développer même partiellement la très riche histoire de la pharmacie. Nous souhaitons que l’étudiant y trouve à travers quelques points de repère, le témoignage d’une profession très ancienne. Nous les invitons à consulter les bibliographies nombreuses sur ce sujet ainsi que le site de l’Académie Nationale de Pharmacie.
Les pratiques médicales et les remèdes prescrits sont l’héritage d’un passé lointain. Les archéologues ont pu retrouver, sur des tablettes médicales datant de moins de trois mille ans avant notre ère, la révélation de pratiques thérapeutiques déjà élaborées. Un esprit d’observation développé permit aux Assyro-Babyloniens d’établir déjà une pharmacopée comprenant environ 150 plantes, une matière minérale : le soufre, et des produits d’origine animale tels que le lait de vache et de chèvre, le miel, la cire, le castoréum.
Dans ces périodes très anciennes, l’assimilation de la maladie à une expression malfaisante ne manque pas d’étayer la croyance d’une extirpation du mal par le mal qui privilégie le choix de substances amères ou répugnantes. De même qu’on ne conçoit pas que ces « guérisseurs », souvent conduits par le hasard dans ce combat contre les puissances maléfiques qui accablent le malade, ne puissent apparaître à leurs contemporains autrement que comme des « exorcistes» héritiers d’un pouvoir sacerdotal. Le thérapeute se doit d’être tout à la fois médecin, pharmacien et prêtre.
Les Egyptiens se trouvant les plus avancés dans la connaissance de la nature et des propriétés des corps simples firent évoluer la thérapeutique de la magie à l’expérience, ce dont témoignaient déjà les grecs Homère, Hippocrate, Hérodote, et plus tard Galien. Au demeurant certains historiens attribuent l’origine du mot « Pharmacie » à l’Egypte ancienne : Ph-ar-maki « qui procure la sécurité » et qui désignait le dieu Thôt.
Le rôle considérable joué par les Egyptiens dans les origines des sciences médicales et pharmaceutiques commence seulement à être connu. Le papyrus d’Ebers, premier ouvrage médical égyptien, traduit en 1875, complété par ceux de Berlin (1909) et d’E. Smith (1930) témoignent de l’étonnante richesse de la pharmacopée égyptienne.
La pharmacie hellénique quant à elle, se trouvait déjà relativement avancée à la période pré-hippocratique, de l’aveu même de celui qu’on considère comme le père des sciences médicales en Occident. Depuis la période homérique, au-delà des pratiques sacerdotales à visée curative, inférées de la mythologie, et qui constituait alors l’essentiel des traitements, perdure cependant une connaissance traditionnelle du médicament, acquise auprès des civilisations crétoises et mycéniennes. Dans ses traités, Hippocrate fait mention de nombreuses formules très variées et souvent complexes issues de cet enrichissement progressif. II permettra ainsi à son école d’organiser et construire la science médicale et pharmaceutique sur une solide base expérimentale.
Les Phéniciens, jouèrent .également un grand rôle dans la pharmacie grecque au travers du trafic des drogues, non seulement dans tout le bassin méditerranéen mais aussi avec les Indes.
La science pharmaceutique indienne s’est d’abord développée au Tibet, en Asie centrale et en Indonésie ainsi que dans certains milieux chinois et japonais. Elle servit de modèle dans la Chrétienté et dans l’Islam. A l’origine aux Indes comme en Egypte ou en Chine, la magie joua un rôle thérapeutique important. Mais à l’époque où se développe la tradition de l’Ayurveda (science de la longévité) issue des plus anciens traités de médecine classique indienne, le thérapeute n’est déjà plus un sorcier : c’est un homme de savoir et un praticien qui tient compte des données de l’expérience et les organise d’après une théorie générale portant sur l’homme.
En Asie, depuis plus de 2000 ans, ce qui caractérise la médecine chinoise savante, transmise par des textes datés et répertoriés, c’est une pratique à la fois étroitement mêlée à une certaine philosophie de la conception du monde, et s’appuyant sur une matière médicale d’une extrême richesse. La notion de pharmacien et notamment de pharmacie évoque curieusement celles des apothicaires et apothicaireries qui auront cours jusqu’à la fin du XIXème siècle. Aujourd’hui encore, on étudie scientifiquement en Chine cette matière médicale traditionnelle, discipline qui a pris le nom de pents’aologie. Leurs grands hôpitaux publics ont cette particularité d’offrir au choix du malade, à côté de la médecine et de la pharmacie telle qu’on la connaît classiquement à l’Ouest, des pratiques traditionnelles reposant sur cette matière médicale transmise depuis l’antiquité.
C’est en accordant en 219 avant J-C à Archagathos, thérapeute grec, le titre de citoyen romain et le droit d’établir une officine pour soigner les malades par des remèdes nouveaux, que le Sénat romain créa probablement la première pharmacie occidentale. Tenant à la fois du cabinet de consultation, de la pharmacie et du centre de soins elle était à l’image des maisons de secours qu’on trouvait à la même époque dans les grandes villes grecques.
A côté des grands encyclopédistes tels que Celse, ou Pline l’Ancien qui rapportèrent la substance des progrès réalisés en médecine depuis Hippocrate, Galien occupe sans conteste une place particulière chez les pharmaciens. Pharmacologue et thérapeute, mais aussi philosophe, physicien et astrologue, il fut un violent polémiste. Il a écrit sur tous les sujets. Certains lui attribuent plus de 500 traités, et parmi ceux-ci le traité de la Composition des médicaments caractérisé par le bon sens de son auteur et la qualité de ses descriptions. Le rejet de son système médical jugé artificiel fut sans doute la conséquence des excès du culte qu’il subit jusqu’au XVIème siècle.
La période du Moyen Age n’a pas conduit, comme on le pense souvent, à une sclérose des connaissances médicales et pharmaceutiques. Certes, le triomphe de la religion chrétienne développe le mépris du monde charnel, où la maladie n’est que l’expression d’une colère divine ou d’une haine démoniaque. Les églises, les couvents et les abbayes sauvèrent la tradition latine, assurant la survivance d’une routine thérapeutique enrichie de la transmission d’un savoir empirique populaire, tandis que la science grecque antique fut transmise aux occidentaux par les Arabes, grâce à la persistance d’échanges commerciaux avec l’Orient.
Les Arabes ont joué un rôle capital dans l’histoire de la thérapeutique. Ils sont dépositaires dans un premier temps des richesses scientifiques de la Grèce antique, traducteurs de tous les auteurs anciens et conservateurs des usages professionnels. Héritiers des écoles Perse, de l’Espagne Omeyyade, ou du Caire, tout en faisant progresser la pharmacologie, ils apporteront à partir du VIIlème jusqu’au XIIIème siècle, des perfectionnements importants aussi bien en ce qui concerne les remèdes, que les formes pharmaceutiques.
L’antiquité n’avait connu que des thérapeutes, dont les pratiques médicales, pharmaceutiques et philosophiques encore confondues le disputaient à celle plus commerciale de vendeurs de drogues. Le philosophe Olympiodore, fait bien la mention d’une articulation entre un médecin prescripteur et un pigmentarius chargé de réaliser ces prescriptions. Mais c’est aux Arabes, qu’on doit une prise de conscience de la grandeur de la tâche du pharmacien. « La pharmacie dite aussi art des drogues et des boissons, est avec la médecine la plus noble des sciences» écrira au XIIIème siècle Cohen el Atthar, prêtre pharmacien. Dans son Manuel de l’Officine, il développera une notion, étonnante pour l’époque, de « tact et de mesure ».
En Occident cependant, aucune apothicairerie ne semble avoir existé en tant qu’officine avant la fin du XIème siècle. C’est seulement à la fin du XIIème siècle, qu’en France, la séparation de la médecine et de la pharmacie devient formelle. Le terme d’apothicaire, synonyme à l’origine de « boutiquier », désigne le moine qui s’occupe de la pharmacie, puis celui qui vend des drogues ou des épices. On ne trouve d’ailleurs pas d’enseigne d’apothicaire avant le XIIIème siècle.
Avec la Renaissance on assiste d’ailleurs plus à une exhumation qu’à une renaissance de la pharmacie. Les jardins permettant la culture de plantes médicinales : les simples héritiers de ceux fondés dès le XIème siècle par les monastères, furent créés un peu partout en Europe Padoue, Pise, Heidelberg, Paris et Montpellier… décuplant les ressources thérapeutiques et offrant d’inédites approches.
Au XVIème siècle les apothicaires sont encore peu nombreux. L’étrange personnalité de Paracelse, alternativement réformateur génial et mage illuminé, illustre la rupture de pensée de cette époque. Défenseur de l’expérience et de la raison contre la tradition, il introduisit l’emploi des substances chimiques en thérapeutique.
Parallèlement la pharmacopée européenne s’enrichit de ressources végétales nouvelles importées d’Afrique, d’Asie et d’Amérique, grâce aux explorations et découvertes ainsi qu’au développement du commerce international.
Mais c’est véritablement au XVIIIème siècle que l’histoire de la pharmacie prend un essor nouveau. Jusqu’alors en raison de leur fréquente inactivité, les formules des médicaments étaient l’objet de constants remaniements, aboutissant graduellement à plus de complexité, et dans lesquelles entraient des principes souvent opposés neutralisant leurs éventuelles activités thérapeutiques. L’intérêt que l’on avait à préférer des substances pures plutôt que celles complexes de produits végétaux s’impose avec l’introduction de la chimie : « Science de la transformation de la matière ». Contourner la nature en opérant des synthèses, c’est-à-dire créer des espèces chimiques inédites dans lesquelles se trouvaient des substances médicamenteuses constitue une révolution.
La confusion entre apothicaire et épicier, s’estompe alors, quand de commerçant il devient artisan en préparant les produits qu’il délivre. Le 25 avril 1777 une Déclaration royale consacre la Pharmacie comme l’« art précieux à l’humanité ». Elle donne sa totale indépendance à la corporation des apothicaires, qui prit le nom de « Collège de Pharmacie » déterminant les devoirs et les droits des « Maîtres en Pharmacie ».
A la Révolution, malgré les services éminents qu’il rendait au public, mais héritier de l’esprit corporatif contraire aux nouveaux principes, le Collège est victime du décret du 2 mars 1791 et dissous : n’importe qui peut s’établir et délivrer des remèdes. Devant les incidents qui en résultent pour la santé publique, le Collège est cependant rétabli, à titre provisoire, dans ses droits et prérogatives le 14 avril suivant.
Entre 1830 et 1890 l’utilisation des hydrocarbures allait concourir au développement spectaculaire de la créativité pharmaceutique. Cependant cette évolution ne s’effectue pas sans profond bouleversement. Les moyens de ce développement ne sont pas à la mesure technique et financière de l’officine. L’apparition des spécialités, médicaments fabriqués industriellement, hors du champ de l’officine, va modifier profondément la perception du médicament. Leur généralisation va marginaliser progressivement la production officinale et déporter l’exercice du pharmacien vers d’autres activités : la recherche, la fabrication, la répartition, la dispensation de produits de santé à l’officine comme à l’hôpital, et la biologie.
Tout au long du XXème siècle, les techniques de production que l’industrie pharmaceutique s’est appropriées, n’ont pas cessé d’évoluer et de se complexifier devenant la base de sa puissance au plan mondial. La recherche d’abord focalisée sur la copie ou la modification de principes naturels pour les rendre à la fois plus efficaces et mieux tolérés, s’est ouverte sur des séries chimiques aux effets inédits.
L’arrivée aujourd’hui des biotechnologies consistant à produire des protéines pour élaborer des médicaments spécifiques comme des anticancéreux, constitue un axe de développement nouveau préfigurant la thérapie génique. Ses enjeux introduisent ainsi de nouvelles réflexions éthiques : « L’homme peut-il être son propre médicament ? ». Celles-ci ne vont pas manquer de redéfinir dans l’avenir des cadres de production et de distribution pour ces nouveaux remèdes, remodelant du même coup le paysage pharmaceutique.
Le médicament, objet scientifique de haute technologie mais aussi économique, représente un enjeu stratégique majeur autant pour les quinze pays qui le produisent que pour ceux qui l’achètent. A l’échelle nationale, il reflète les contradictions de notre société, simultanément avide d’innovation technologique et nostalgique de « naturel », qui souhaite à la fois qu’il soit matière à exception mais aussi objet d’une banalisation. L’histoire démontre que les pharmaciens, riches d’une expérience millénaire, exercent et continueront d’exercer leur art dans l’élaboration, le contrôle et la dispensation du médicament. Leur objectif reste le même : soulager leurs contemporains en fonction de leurs connaissances et de leurs moyens.
Aujourd’hui, le pharmacien dans le parcours de soins …..
Le pharmacien, quelque soit son mode d’exercice, occupe une place importante dans le parcours de soins :
- dans l’industrie pharmaceutique : recherche et développement, production du médicament et affaires scientifiques et réglementaires
- dans la distribution pharmaceutique en gros (grossistes répartiteurs) et au détail (Pharmacie à usage intérieur – PUI – et officine): approvisionnement, préparation et dispensation pour une prise en charge du patient
- dans les laboratoires de biologie médicale libéraux ou hospitaliers : réalisation d’examens de biologie médicale concourant au diagnostic, à la mise en place et au suivi d’un traitement ou à la prévention des maladies humaines.
L’exercice de la pharmacie officinale se situe à un point stratégique de cette chaîne. Au contact direct avec le patient, le pharmacien assure une mission de santé publique.