Phytothérapie

Mise à jour : juillet 2023

Législation

Définition

Les plantes médicinales sont des médicaments et font partie du monopole du pharmacien sous réserve des dérogations établies par décret (art. L.4211-1 du Code de la Santé Publique). Pour être reconnue comme « médicinale » une plante doit être inscrite, soit à la Pharmacopée Européenne, soit à la Pharmacopée Française

Une plante est dite médicinale lorsqu’au moins une partie possède des propriétés médicamenteuses ; elle peut avoir également des usages alimentaires ou condimentaires ou encore servir à la préparation de boissons hygiéniques.

La Pharmacopée Européenne (07/2017:1433), opposable dans les pays de l’Union Européenne, définit les drogues végétales utilisées en l’état « comme étant essentiellement des plantes, parties de plantes ou algues, champignons, lichens, entiers, fragmentés ou coupés, utilisés en l’état, soit le plus souvent sous forme desséchée, soit à l’état frais. Certains exsudats n’ayant pas subi de traitements spécifiques sont également considérés comme drogues végétales. Les drogues végétales doivent être définies avec précision par la dénomination scientifique botanique (genre, espèce, variété, auteur) ». 

La Pharmacopée française disponible en ligne sur le site de l’ANSM, propose une liste de plantes médicinales, déjà publiée en 1993, puis régulièrement révisée (dernière révision janvier 2023), qui est divisée en 2 parties : 

  • Une liste A comprenant environ 490 plantes médicinales utilisées traditionnellement en France (métropolitaine et Outre-Mer) ou dans les médecines traditionnelles chinoise ou ayurvédique ; quelques-unes sont explicitement désignées comme toxiques et ne sont employées qu’en usage local, ou exclusivement sous forme de dilutions homéopathiques ;

Sur la liste A sont identifiées de plus des plantes pouvant avoir également des usages alimentaires et/ou condimentaires qui peuvent de ce fait être vendues en dehors du circuit officinal sous le statut de denrée alimentaire sans revendication possible toutefois d’une indication thérapeutique.

  • Une liste B comprenant environ 170 plantes médicinales (espèces ou genres botaniques) utilisées traditionnellement en l’état ou sous forme de préparation et dont les effets indésirables potentiels sont supérieurs au bénéfice thérapeutique attendu. Ces plantes ne peuvent être vendues en l’état, y compris par les pharmaciens. En revanche, sous réserve du respect de la réglementation propre aux médicaments homéopathiques notamment des exigences de dilution, elles peuvent servir à la préparation de médicaments homéopathiques et sont vendues exclusivement par les pharmaciens. 
  • Des plantes utilisées en médecine traditionnelle européenne et issues de la Pharmacopée des outre-mer, utilisées en médecine traditionnelle chinoise et en médecine traditionnelle ayurvédique ont été inscrites sur ces listes. Il est à noter que les listes de la Pharmacopée ne sont pas figées : la liste A peut accueillir des plantes nouvellement connues pour leurs propriétés médicinales (plantes d’outre-mer, plantes chinoises, plantes de médecine ayurvédique) ; au contraire, des plantes qui ont montré une certaine toxicité peuvent passer sur la liste B.

Monopole pharmaceutique et dérogations

Certaines plantes médicinales figurant sur la liste A ont un caractère alimentaire et/ou condimentaire. Mais l’article L.4211-1 ne vise que les plantes médicinales, c’est-à-dire celles qui sont présentées comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies ; ce sont uniquement ces plantes qui, sauf dérogation, sont réservées à la vente par un pharmacien.

 Ainsi, on peut citer un certain nombre de dérogations :

  • Le décret n°2008-841 autorise la vente hors circuit pharmaceutique de 148 d’entre elles, à condition qu’il ne soit pas fait mention d’indications thérapeutiques. Les formes autorisées hors officine sont précisées pour chacune (“en l’état”, éventuellement en poudre ou sous forme d’extrait aqueux). 
  • L’arrêté du 24 juin 2014 a établi une liste des « plantes, autres que les champignons, autorisées dans les compléments alimentaires, et les conditions de leur emploi ». Cette liste comporte 541 espèces, soit un peu plus de 1000 drogues végétales, dont beaucoup ont une activité pharmacologique notable et un emploi parfois strictement médicinal. Ce texte ne mentionne quasiment aucune restriction en termes de formes autorisées dans des compléments alimentaires.

La DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), qui est l’organisme auquel doit obligatoirement être déclaré un complément alimentaire pour pouvoir être commercialisé, a publié en janvier 2019 :

  • Une liste de plantes, admises dans les compléments alimentaires nommée « Liste plantes », qui recense 1011 plantes ;
  • Une « liste des plantes dont les huiles essentielles sont considérées comme traditionnelles » ;
  • Une liste des plantes dont les huiles essentielles ne peuvent pas être utilisées.

Mélanges pour tisanes pour préparations officinales

Depuis le 1er août 2013 une monographie de la Pharmacopée française intitulée Mélange pour tisanes pour préparations officinales (2013) permet au pharmacien de réaliser des préparations officinales de mélange de plantes sans prescription médicale. Des règles précises sont indiquées. 

Ces mélanges ne dépassent pas 10 drogues végétales, dont : 

  • Pas plus de 5 drogues végétales considérées comme substances actives, chacune devant au minimum représenter 10 % (m/m) du mélange total, 
  • Pas plus de 3 drogues végétales pour l’amélioration de la saveur avec au total un maximum de 15 % (m/m) du mélange total,
  • Pas plus de 2 drogues végétales pour l’amélioration de l’aspect avec au total un maximum de 10 % (m/m) du mélange total. 

Les drogues végétales utilisées comme substances actives ne peuvent être associées entre elles que : 

  • Si elles ont des propriétés médicamenteuses identiques ou complémentaires (classées de 1 à 24 selon leur domaine d’activité traditionnelle dans l’Annexe I) et ;
  • Si les modes de préparation des tisanes avec la drogue seule sont identiques (macération, infusion, décoction). 

Les plantes médicinales utilisées doivent être conformes aux monographies de la Pharmacopée. La taille de chaque lot de fabrication doit être comprise entre 100 g et 3 kg. Le lot peut ensuite être divisé. A la différence des autres préparations, la péremption n’est pas de 1 mois mais correspond à celle de la drogue végétale qui a la durée de conservation la plus courte.

La monographie Mélange pour tisanes pour préparations officinales (2013) indique les différents procédés d’obtention des tisanes et donne comme indication de posologie “Généralement la dose quotidienne est de 250 à 500ml pour une quantité mise en œuvre de 5 à 10g/L ». 

Plantes médicinales

Les plantes sont désignées par leur nom français suivi de leur nom en latin. En effet, seule la dénomination binominale latine (nom du genre suivi du nom d’espèce) est scientifiquement et internationalement reconnue. Elle permet d’éviter les erreurs dont voici quelques exemples : 

  • Verveine désigne généralement la Verveine odorante : Aloysia triphylla Royle, Verbenaceae (= Lippia citriodora H.B. & K.), vendue en officine, à caractère alimentaire, mais aussi la Verveine officinale (Verbena officinalis L., Verbenaceae) européenne, exclusivement médicinale. 
  • Ortie désigne : 
    • Soit le Lamier blanc (Ortie blanche) Lamium album L., Lamiaceae, 
    • Soit les Orties piquantes : Urtica urens L. et Urtica dioica L., Urticaceae, dont la racine et les feuilles ont des emplois médicinaux distincts. 
  • Laurier peut engendrer des confusions dangereuses : 
    • Laurus nobilis L. = Laurier noble (Laurier sauce), Lauraceae, aux feuilles et baies condimentaires et médicinales ; 
    • Prunus laurocerasus L. = Laurier cerise, Rosaceae, toxique ; 
    • Nerium oleander L. = Laurier rose, Apocynaceae, très toxique ; 
    • Viburnum tinus L. = Laurier tin, Caprifoliaceae, plus ou moins toxique. 

On pourrait citer d’autres confusions courantes concernant : Lavandes, Menthes, Sauge, Lierres, Pervenches, etc. sans parler des risques encore plus importants s’il s’agit de plantes exotiques désignées uniquement par leurs noms vernaculaires (plantes chinoises par exemple). À un seul nom français correspondent, parfois, plusieurs noms d’espèces en latin. En effet, plusieurs espèces différentes du point de vue botanique peuvent être regroupées sous un même nom français. 

Ex : l’aubépine : 2 espèces Crataegus laevigata (à 2 ou 3 styles) et Crataegus monogyna (à 1 style) ayant des propriétés thérapeutiques identiques mais étant différentes du point de vue botanique. 

D’autre part, il existe des synonymes en fonction du nombre d’auteurs ayant décrit l’espèce « officiellement » ; d’où la nécessité – pour être précis – de faire suivre le nom de l’espèce par l’initiale ou le nom en abrégé de cet (ces) auteur(s) : par exemple L. pour désigner Carl von Linné.

Principales formes de préparations à base de plantes

A côté des plantes médicinales utilisées directement par le patient en mélange ou non, la phytothérapie utilise également une grande variété de préparations décrites à la Pharmacopée européenne dans la monographie « préparations à base de drogues végétales » (1434) dont certaines visent à utiliser au maximum toutes les potentialités de la plante dans sa globalité. 

Les préparations à base de plantes sont obtenues en soumettant les drogues végétales à des traitements tels qu’extraction, distillation, expression, fractionnement, purification, concentration ou fermentation.

Ces préparations sont des mélanges d’origine naturelle notamment des drogues végétales finement divisées, des teintures, des extraits, des huiles essentielles, des jus d’expression et des exsudats ayant subi un traitement…

Extraits 

Les extraits sont des préparations liquides (extraits fluides et teintures), de consistance semi-solide (extraits mous ou fermes) ou solide (extraits secs), obtenues à partir de drogues végétales généralement à l’état sec à l’aide de solvants appropriés. 

Différents types d’extraits peuvent être distingués. Les extraits titrés sont ajustés avec une tolérance acceptable à une teneur donnée en constituants ayant une activité thérapeutique connue. L’ajustement du titre de l’extrait est obtenu au moyen d’une substance inerte ou en mélangeant des lots d’extraits. Les extraits quantifiés sont ajustés à une fourchette définie de constituants en mélangeant des lots d’extraits. Les autres extraits sont principalement définis par leur procédé de production (état de la drogue végétale à extraire, solvant, conditions d’extraction) et leurs spécifications. 

Les extraits sont préparés par des procédés appropriés, en utilisant de l’éthanol ou d’autres solvants appropriés. Différents lots de drogue végétale peuvent être mélangés avant extraction. Les drogues végétales à extraire peuvent subir un traitement préalable (tel que le broyage). 

Extraits fluides

Les extraits fluides quantifiés et “les autres extraits” sont des préparations liquides dont, en général, 1 partie en masse ou en volume correspond à 1 partie en masse de drogue végétale. Ces préparations sont ajustées, si nécessaire, de façon à répondre aux exigences de la teneur en solvants, et, dans les cas appropriés, en constituants. 

Les extraits fluides titrés sont uniquement définis par leur teneur en constituants possédant une activité thérapeutique connue.

Les extraits fluides sont préparés en utilisant de l’éthanol de titre approprié ou de l’eau pour extraire la drogue végétale ou par dissolution d’un extrait sec ou mou (produit en utilisant la même concentration de solvant d’extraction que dans la préparation de l’extrait fluide par extraction directe) de la drogue végétale, soit dans l’éthanol de titre approprié soit dans l’eau. 

Teintures

Les teintures quantifiées et “autres teintures” sont des préparations liquides généralement obtenues soit à partir de 1 partie de drogue végétale et de 10 parties de solvant d’extraction, soit à partir de 1 partie de drogue végétale et de 5 parties de solvant d’extraction. 

Les teintures sont préparées par macération ou percolation en utilisant seulement de l’éthanol d’une concentration appropriée pour l’extraction de la drogue ou par dissolution d’un extrait sec ou mou de la drogue végétale, dans l’éthanol de titre approprié. 

Les teintures titrées sont uniquement définies par leur teneur en constituants possédant une activité thérapeutique connue.

Extraits mous ou fermes

Les extraits mous ou fermes sont des préparations semi-solides préparées par évaporation ou évaporation partielle du solvant ayant servi à leur extraction. 

Extraits secs

Les extraits secs sont des préparations solides obtenues par évaporation du solvant ayant servi à leur production. 

Lorsque cette évaporation est réalisée dans un nébulisateur l’extrait sec ainsi obtenu est appelé nébulisât. Il se présente sous forme pulvérulente et est particulièrement hygroscopique. 

Oléorésines

Les oléorésines sont des extraits semi-solides composés d’une résine en solution dans une huile essentielle et/ou une huile grasse, et sont obtenues par évaporation du (des) solvant(s) ayant servi à leur production.

Teintures mères pour préparations homéopathiques 

Les teintures mères pour préparations homéopathiques sont des préparations liquides, obtenues par l’action dissolvante d’un véhicule approprié sur des matières premières. Ces dernières sont généralement utilisées à l’état frais ou, parfois, sous forme desséchée. Elles peuvent également être obtenues à partir de sucs végétaux avec ou sans addition d’un véhicule. Pour certaines préparations, les matières à extraire peuvent subir un traitement préalable. 

Les teintures mères pour préparations homéopathiques sont obtenues par macération, digestion, infusion, décoction, fermentation ou, comme décrit dans les monographies individuelles, en utilisant généralement de l’alcool de titre approprié.  Elles sont obtenues en utilisant des proportions fixes de matières premières et de solvant, en tenant compte de la teneur en eau de la matière première, sauf exception justifiée et autorisée. 

Lorsque des plantes fraîches sont utilisées, des procédés adéquats sont mis en œuvre pour garantir la fraîcheur. Les autorités compétentes peuvent exiger que la fraîcheur soit démontrée par un essai approprié.  Les teintures mères pour préparations homéopathiques sont généralement limpides. Au repos, elles peuvent présenter un léger sédiment qui est acceptable à condition que la composition de la teinture n’en soit pas modifiée de manière significative. Le procédé de fabrication est défini de sorte qu’il soit reproductible.

Conclusion

Des herboristes ou « droguistes » existent dans la plupart des pays de la Communauté Européenne et, surtout, il se développe en France une vente importante de plantes médicinales hors du circuit pharmaceutique. Si le pharmacien veut conserver le monopole de la dispensation des plantes médicinales, et s’opposer avec succès à leur distribution anarchique, il doit être capable de les conseiller avec compétence et tout d’abord de savoir les identifier. 

Les médicaments à base de plantes relèvent de la réglementation générale du médicament et, comme tous les autres médicaments, ils sont délivrés par les pharmacies d’officine. A ce titre, toute spécialité pharmaceutique ou tout autre médicament à base de plantes fabriqué industriellement doit faire l’objet, avant sa commercialisation, d’une autorisation de mise sur le marché (AMM). Pour les médicaments à base de plantes d’utilisation traditionnelle ou dont l’usage médical est bien établi, la demande d’AMM peut être faite sur la base d’un dossier allégé. 

On remarquera que dans le circuit officinal (et hors officine), les produits de santé à base de plantes ont maintenant des statuts généralement non médicamenteux (compléments alimentaires, produits cosmétiques, dispositifs médicaux, etc.) qui doivent inciter à un examen critique lors de leur référencement. Les médicaments à base de plantes sont particulièrement exposés, de par leur nature et leur statut, à des risques de falsification.

Enfin, le pharmacien a un devoir de vigilance face à la survenue d’effets secondaires, ainsi que de déclaration, auprès de l’ANSM (pharmacovigilance, cosmétovigilance, matériovigilance) ou de l’Anses (nutrivigilance, pour les compléments alimentaires). Ces déclarations peuvent être effectuées sur le site internet de ces agences ou via le portail de signalement des événements sanitaires indésirables.