Introduction
Dans ce chapitre, il sera abordé les principales étapes nécessaires à la mise en place d’une démarche qualité à l’officine en se basant sur le programme DQO (Démarche Qualité à l’Officine) et en présentant le référentiel et les kits d’outils utiles à sa mise en place. Vous pourrez consulter des annexes pour illustrer ce chapitre ainsi que les textes officiels et les recommandations (références et liens fournis).
Commençons par la définition de la qualité.
Délivrer à chaque patient l’assortiment d’actes diagnostiques et thérapeutiques qui lui assurera le meilleur résultat en termes de santé, conformément à l’état actuel de la science médicale, au meilleur coût pour un même résultat, au moindre risque iatrogène et pour sa plus grande satisfaction en termes de procédures, de résultats et de contacts humains à l’intérieur du système de soins.
Définition apportée par l’Organisation Mondiale de la Santé
Place de la Qualité à l’officine
La qualité s’inscrit dans un cadre juridique qui réglemente la profession de pharmaciens. Plusieurs textes législatifs et réglementaires constituent des référentiels dans le sens où ils sont opposables au pharmacien et à l’étudiant en pharmacie muni d’un certificat de remplacement ; ils requièrent la qualité de notre exercice au quotidien et l’on retiendra tout particulièrement dans ce chapitre :
- Le code de la santé publique (CSP) précise que « l’organisation de l’officine…doit assurer la qualité de tous les actes qui y sont pratiqués » ; « la dispensation, y compris par voie électronique, des médicaments doit être réalisée en conformité avec des bonne pratiques dont les principes sont définis par arrêté du ministre chargé de la Santé » ; parmi ces bonnes pratiques transcrites dans le corpus réglementaire, on retiendra essentiellement dans ce chapitre :
- L’arrêté du 28 novembre 2016 modifié par l’arrêté du 26 février 2021 relatif aux bonnes pratiques de dispensation (BPD) des médicaments dans les pharmacies.
- La dernière édition du guide des bonnes pratiques de préparation (BPP) dont les règles sont applicables depuis le 20 septembre 2023, ont pour but de garantir la qualité des préparations fabriquées à l’officine.
Cette liste n’est évidemment pas exhaustive car 1500 autres articles du Code de la Santé Publique et 77 articles du Code de Déontologie et des articles du code de la sécurité sociale encadrent la qualité à l’officine.
Origine de la Démarche Qualité à l’Officine (DQO)
Pour faire face aux enjeux de la profession et promouvoir la qualité du réseau officinal, l’Ordre national des pharmaciens a mis en place des programmes d’accompagnement de la profession dans cette démarche.
Ainsi, dès février 2002, l’Ordre publie un guide d’assurance qualité officinale puis organise en octobre 2004 les formations de « pharmaciens responsables assurance qualité » (PRAQ) et développe sur son site pour les pharmaciens d’officine « l’évaluation de la qualité » (eQo) en décembre 2007 puis AcQO « Accompagnement Qualité à l’Officine »
Dans cette logique et suite à des dysfonctionnements (affaire Lactalis notamment), en décembre 2018, une feuille de route relative au déploiement d’une démarche qualité à l’officine (DQO) a été adressée par la Présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens à Madame la Ministre des Solidarités et de la Santé. Cette feuille de route liste 6 propositions et axes de travail de la profession :
- N°1 : Mettre en place une instance nationale en charge de la qualité en officine ;
- N°2 : Établir un référentiel qualité officinale ;
- N°3 : Déployer la démarche qualité au sein de la profession officinale sur tout le territoire, métropole et Outre-mer ;
- N°4 : Développer les outils numériques en accès libre au service de la profession ;
- N°5 : Établir un dispositif progressif d’évaluation de la profession ;
- N°6 : Soutenir financièrement l’effort de la profession.
Ces propositions ont été établies par les principaux représentants des pharmaciens d’officine : Ordre, syndicats, groupements de pharmaciens, étudiants, maîtres de stage, etc. Avec, en respect de la feuille de route de 2018, un objectif de 100% des officines engagées dans la démarche à 5 ans.
Une seconde feuille de route a été éditée couvrant la période 2023-2027. Dans cette nouvelle feuille de route 2023, 3 nouveaux axes sont définis sur les 5 prochaines années, avec, pour chacun, différentes propositions d’actions :
- Faire évoluer les outils en fonction des pratiques professionnelles et des enjeux et proposer un accompagnement personnalisé des pharmaciens pour déployer la DQO au sein de leur officine.
- Poursuivre le déploiement de la démarche et renforcer les mesures incitatives en animant le réseau de pharmaciens/partenaires et en amplifiant/diversifiant les mesures incitatives.
- Renforcer la démarche en allant notamment vers une labellisation.
L’intégralité de cette feuille de route 2023-2027 est disponible en ligne. Des fiches pratiques, au nombre de 10, viendront début 2024, expliciter pratiquement les actions à mener pour aider à concrétiser ces 3 axes.
Le référentiel qualité, élaboré par un collectif de la profession sous l’égide de l’Ordre national des pharmaciens, n’est à ce stade pas opposable aux pharmaciens d’officine.
La Démarche qualité à l’officine (DQO) couvre la majorité des aspects liés au cœur de métier du pharmacien. Outre la dispensation, elle structure les autres activités ayant une incidence sur l’usager du système de santé, telles que l’accueil, la confidentialité, les alertes sanitaires et les vigilances ou encore les nouvelles missions. Elle fournit également le cadre et les ressources pour garantir l’amélioration continue des pratiques (gestion des compétences, relevé des incidents, actions d’amélioration, etc.).
Pourquoi s’engager dans une démarche qualité à l’officine (DQO) ?
Les points clés qui expliquent le pourquoi de cette DQO peuvent se décliner comme suit :
- Renforcer la qualité des soins ;
- Réaffirmer la sécurité du patient au cœur des préoccupations de la profession ;
- Soutenir le développement de nouvelles missions en officine ;
- Accroître la satisfaction des usagers par l’amélioration continue des pratiques en officine.
Soit pour résumer : Pharmacie engagée, patient sécurisé.
La démarche qualité permet donc au pharmacien d’officine et à son équipe de fiabiliser et sécuriser leurs actes quotidiens en réduisant le risque d’incident.
Elle contribue à optimiser l’organisation et le fonctionnement de l’officine et encourage à l’amélioration des pratiques.
Elle facilite l’intégration des évolutions de la profession.
Enfin, elle accentue la relation de confiance avec les patients et souligne la valeur ajoutée du pharmacien dans la chaîne de santé.
Comment commencer une démarche qualité ?
Il existe différentes façons pour commencer une démarche Qualité : soit lors d’un constat d’un dysfonctionnement et donc d’un domaine à risque de l’officine (comme par exemple suite à une erreur de délivrance), soit en réalisant le questionnaire d’autoévaluation proposé pour l’Ordre.
Le pharmacien titulaire dispose à la fois d’un questionnaire d’autoévaluation (39 questions) pour déterminer ses marges de progression, d’un référentiel regroupant une base commune d’exigences pour identifier les points essentiels de la qualité à l’officine et d’outils pratiques à déployer au quotidien (procédures, check-lists, enregistrements, mémos…).
Les titulaires et leurs équipes sont invités à prendre connaissance de ces ressources sur le site dédié de l’Ordre national des pharmaciens « Démarche Qualité à l’officine » et à se les approprier.
Sur ce site, le pharmacien d’officine pourra s’identifier pour accéder au tableau de bord de sa pharmacie et réaliser son autoévaluation en environ 30 minutes pour bénéficier de recommandations personnalisées.
Le site propose également une autoévaluation de démonstration qui s’adresse à toute personne (pharmacien, étudiant en pharmacie, enseignant dans les facultés de pharmacie, organismes de formation, organismes qualité) souhaitant découvrir et tester le questionnaire proposé par la Démarche Qualité à l’Officine)
La première étape de la DQO est donc de remplir en ligne le questionnaire d’autoévaluation. Cela permettra d’avoir une photo à un instant “t” des pratiques de la pharmacie et ainsi de mettre en avant ce qui fonctionne bien et de voir ce qui doit être amélioré. Ensuite le pharmacien pourra se référer au référentiel pour travailler sur un ou des thèmes sélectionnés. L’autoévaluation doit être effectuée tous les ans et peut être réalisée par différents pharmaciens.
Le référentiel se présente sous la forme de 4 grands thèmes :
- Prise en charge et information de l’usager de santé ;
- Dispensation des médicaments et des autres produits autorisés ;
- Missions et services ;
- Moyens nécessaires au fonctionnement de l’officine.
Kit d’outils pratiques
Le pharmacien titulaire, le pharmacien adjoint ou lle référent qualité pourront s’appuyer sur les outils du kit recommandés et mettre en place les procédures, les mémos, les check-list ou les enregistrements et autres ressources afin de corriger les points faibles identifiés et faire évoluer les pratiques au sein de la pharmacie.
Des exemples de ces outils plus particulièrement utiles à votre stage sont donnés en annexes, à la fin de ce chapitre.
Les procédures
Elles décrivent les points clés, organisationnels d’une activité officinale pour en organiser efficacement le déroulement et éviter d’éventuels oublis. Pour être utiles, elles doivent être présentées et discutées avec l’ensemble des collaborateurs concernés. Elles sont généralement conservées au sein d’un classeur qualité mais aussi affichées dans le back office (exemples : procédures de réception de commande, de la gestion de la chaîne du froid, etc.).
Les check-list
Une check-list est un document permettant de repérer les étapes nécessaires d’une activité ou d’un ensemble d’activités tout en s’assurant de la bonne réalisation de celles-ci. Cet outil rempli par les collaborateurs est facilement utilisable au cours de leurs activités.
Les enregistrements
Dans un système qualité, la traçabilité est une des composantes clés pour garantir une surveillance pratique et permettre l’amélioration continue.
L’enregistrement est un document permettant de conserver des données en lien avec l’activité. Les données renseignées peuvent avoir plusieurs fonctions :
- Servir de preuves pour répondre à des exigences réglementaires ;
- Permettre le suivi dans le temps d’éléments essentiels au bon fonctionnement de l’officine ;
- Vérifier la réalisation effective de certaines tâches ;
- Permettre le relevé des incidents ;
- Conserver un historique des activités (exemples : fiche du suivi du matériel en location, fiche de traçabilité des patients lors d’une vaccination, fiche de suivi des formations …..).
Les mémos
Ils permettent de sensibiliser le titulaire et son équipe aux grands principes de la pratique professionnelle. Ils permettent d’appréhender synthétiquement et rapidement les évolutions de la profession et leur traduction opérationnelle à l’officine. Ils peuvent être affichés dans le back office de la pharmacie ou rangés dans le classeur qualité afin d’être facilement consultables des collaborateurs.
Mettre en place un plan d’actions
Pour mettre en place les outils de la démarche qualité et faire évoluer les pratiques au sein de l’équipe, il est indispensable de disposer d’un temps collectif pour aborder les différentes thématiques et les différents outils. En effet, les outils de la démarche qualité n’auront aucune incidence opérationnelle s’ils ne sont pas compris et acceptés par les collaborateurs. Pour cela, il est nécessaire :
- D’expliquer les tenants et aboutissants de chaque méthode et/ou outil ;
- D’obtenir l’adhésion collective de l’équipe.
Les étapes pour la mise en place d’un plan d’action sont proposées ci-dessous :
- Autoévaluation en ligne ;
- Lecture du référentiel ;
- Rédaction du plan d’action et présentation à l’équipe ;
- Pilotage des compétences : matrices des tâches, plan de formation, grille des compétences ;
- Entretiens individuels pour situer chacune/chacun dans ce plan selon ses compétences et ses motivations ;
- Cœur de métier : mise en place des procédures de dispensation, méthodologie d’accueil des patients/clients, premiers secours, etc. ;
- Gestion des alertes, vigilance, protection des données, etc. ;
- Amélioration continue : mise en place du double contrôle, gestion des incidents/dysfonctionnements, étude de satisfaction des patients/clients, etc. ;
- Gestion des produits : suivi des périmés, chaîne du froid, gestion des promis, mise en place des inventaires, etc. ;
- Gestion des matériels : fiche de vie du matériel de location, plans de maintenance, aménagement du local de confidentialité, etc. ;
- Missions et services : bilans partagés de médication, éducation thérapeutique, entretiens pharmaceutiques, vaccination, registre d’information sur les services et les prestations, etc. ;
- Nouvelle autoévaluation en ligne.
Conclusions
La « qualité » à l’officine, c’est avant tout répondre aux attentes du patient qui a besoin :
- D’être bien accueilli, écouté, compris et ;
- D’avoir l’assurance de la sécurité de dispensation sans interruption et d’une aide à l’observance et au bon usage du médicament.
Déclencher une démarche qualité en officine, c’est en plus de rappeler les bonnes pratiques des activités socles à l’officine, vouloir :
- Répondre aux attentes du patient ;
- Répondre aux exigences législatives et réglementaires ;
- Réaliser les actes quotidiens de dispensation et les nouvelles missions en conformité et avec sécurité ;
- Organiser le management de toute l’officine par la qualité, c’est-à-dire Prévoir – Mettre en œuvre – Évaluer et Améliorer.
Bien compris, l’outil « qualité » développé dans ce chapitre englobe toutes les composantes du métier et peut devenir le tissu organisationnel de toute l’officine. Il vous sera aussi indispensable que votre logiciel métier et permettra le développement de votre activité vers les nouvelles missions.
La DQO ne se substitue pas aux autres démarches privées ; elle en est complémentaire. Elle permet de rendre accessible à l’ensemble de la profession une base commune de Démarche Qualité, première marche vers la qualité pour les pharmaciens non encore engagés et évaluation des marges de progression pour les pharmaciens engagés.
Il est utile et important de souligner que ce chapitre est basé uniquement sur la DQO. Il existe également la norme ISO 9001, version 2015, non opposable, qui constitue un référentiel reconnu internationalement et applicable à toutes les activités dont celles de l’officine. Cette norme est complétée dans le domaine de la santé par la norme NF 15224-mai 2017 qui spécifie les exigences que doit démontrer une organisation de soins de santé conformément aux exigences du client. Elle a pour but d’aboutir à une certification délivrée par des organismes certificateurs privés, laquelle certification n’est pas incluse dans le projet DQO.
La qualité est déjà mise en place dans les groupements de pharmaciens par cette voie ou celle, dérivée et dénommée ISO/QMS Pharma mais seulement pour 15% des officines à ce jour ; vous pourrez faire votre stage de pratique professionnelle dans une officine engagée dans cette voie. Parfois cette certification est externalisée à des tiers car fastidieuse à mettre en place quelle que soit la taille du groupement. Les groupements adossent un rôle d’accompagnement et de facilitateur par rapport à la qualité et ils constituent l’un des moteurs clés pour faire avancer la progression et impliquer les pharmaciens dans la dynamique. Néanmoins, toute la profession, dont ces groupements, est convaincue du bien fondé de DQO qui est un atout, un starter, un levier de croissance pour l’ensemble de la profession.
DQO et ISO 9001:2015 sont donc parfaitement complémentaires pour les pharmacies déjà engagées dans une démarche qualité.
La voie retenue pour une démarche qualité (DQO ou ISO 9001) doit inscrire la pharmacie dans un processus permanent d’amélioration continue (selon le principe de la Roue de Deming selon PCDA : Plan / Do / Check / Act) pour les 4 thèmes retenus dans le référentiel DQO pour sécuriser le cœur de métier et les nouvelles missions, pour détecter les erreurs et les dysfonctionnements et mettre en œuvre des actions préventives et correctives avec toujours l’objectif de satisfaire le patient/client et répondre ainsi au slogan retenu par la profession :
Références
Prise en charge et information de l’usager du système de santé
Dispensation des médicaments et des autres produits autorisés
- Bonnes pratiques de dispensation des médicaments – Ministère
- Bonnes pratiques de préparations – ANSM
- Règles techniques applicables aux sites internet – Ministère
- Le DMP – AMELI
Missions et services
- Calendrier du Cespharm
- Actualités du Cespharm
- Guide pour mettre en oeuvre la conciliation des traitements médicamenteux en établissement de santé – AMELI
- Guide d’accompagnement pharmaceutique 2019 CNAM
- Guide PDA de l’ARS PACA
- Coopération interprofessionnelle – ONP
- Téléconsultation et téléexpertise : guide de bonnes pratiques – HAS
- Recommandations ETP – HAS
Moyens nécessaires au fonctionnement de l’officine
- Bonnes pratiques de pharmacovigilance – ANSM
- Recommandations de gestion des produits de santé soumis à la chaîne du froid – ONP
- Recommandations pour l’accessibilité des locaux – Ministère des Affaires sociales
- Recommandations pour l’aménagement des locaux de l’officine – ONP
- Livre vert : Pharmacie connectée et télépharmacie – ONP
- Respect de la confidentialité des données de patients – ONP
- Quelles obligations pour les titulaires d’officine ( protection des données) – ONP
- Fiche durée de conservation des documents liés à l’activité pharmaceutique de l’officine – ONP
Acronymes
BPD | Bonnes pratiques de dispensation |
BPP | Bonnes pratiques de préparation |
CSP | Code de la santé publique |
DP | Dossier Pharmaceutique |
DMP | Dossier Médical Partagé |
HAS | Haute autorité de santé |
HPST | Hôpital, patients, santé, territoires |
LAD | Logiciel d’aide à la dispensation |
LGO | Logiciel de gestion officinal |
OMS | Organisation mondiale de la santé |
TROD | Test Rapide d’Orientation Diagnostique |
Annexes
Vous pouvez également vous référez au chapitre dédié à l’acte de dispensation, et plus spécifiquement à la rubrique consacrée aux interventions pharmaceutiques.